Pierre Perrin : la Prière, poème de la Vie crépusculaire

Pierre Perrin, La Prière

La tête dans l’oreiller, les cheveux déroulés, on croirait qu’elle prie. La peau sous la lueur de la lampe est plus belle que du chêne ciré. Elle attend, cordes tendues, l’archet qui va l’éblouir.

Elle a ramené, en les écartant, ses genoux près de ses seins que deux paumes viennent couvrir, lentes, pénétrantes comme un lierre de vingt ans. Elle respire plus fort, elle brûle ; il l’embouque.

Tout entière habitée... Un nerf de sang et d’enthousiasme roule un orage à l’entour des cuisses, secoue le ventre comme une gerbe. Sous le manche dru, les prunes tremblent ; sous les ongles, elles crissent comme de la soie.

En même temps qu’elle saisit, la tête en étoile, toutes les volutes de la symphonie, elle plonge plus loin, elle talonne, elle exulte. Pupilles dilatées, elle adore son seigneur — il la dirige : elle l’inspire.

Quand sourd la paix, le partage la transfigure. Alors, comme une barque oscille entre les berges d’une rivière, tandis qu’il babille encore ses tendresses les plus rares, l’index en pagaie, elle le foudroie jusqu’à la garde.

Pierre Perrin, La Vie crépusculaire, prix Kowalski de la ville de Lyon, Cheyne éditeur, 1996

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