La Sève sous le gel
[un poème des Jours de pleine terre]
Que ne vient-il avec ses Je t’aime ? Le froid la gagne, les cuisses en tétanie.
Le canapé n’est pas un havre, moins tranquille qu’une
tombe. La télé roule à ses tympans. La nuit s’ouvre
sans personne et sans bruit pleurent les vignes.
Foutus bonshommes à tout culbuter !
Un pas de deux, un an de paix, est-ce impossible ? D’autres
font pire, la mort sous eux. Il se tait, il se terre ; il la condamne
à vieillir seule. Peut-on rien contre l’oubli, la trahison ?
Les mains repoussent le pinceau ; la musique,
elle la vomit par les oreilles. S’est-il brûlé ?
Elle boirait le vinaigre sur la plaie. Pour qui tintent les cloches dans
les prés ? Ses ailes sous ses doigts, elle savait les lisser,
les dresser.br>Cependant le souffle entre ses lèvres
s’ensommeille, quand même elle sursaute au moindre bruit.
Un chat détale – ce n’est pas lui. Genoux pliés, nuque froissée
; séchée, poussière, l’ultime rose glisse encore,
un lent toboggan.
Le bonheur ravalé, le jour ferme son
couvercle.
Pierre Perrin, pour Des jours de pleine terre