La ville où d’autres vont mourir
Un poème de Finis litteræ, 2024
Comment ne pas penser à Thomas Mann ?
Thomas Mann écrit cinq pages avant la fin de son récit : « La maîtrise de notre style est mensonge et duperie ; notre gloire, les honneurs qu’on nous rend, une farce ; la confiance de la foule en nous, ridicule à l’extrême ; l’éducation du peuple et de la jeunesse par l’art, une entreprise risquée qu’il faut interdire. » La Mort à Venise, 1911 [Pas de nom de traducteur, dans mon édition Fayard, 1971]
Le poème mis en musique par Henri Franchesci [juin 2025]

Sur l’iode à peine perceptible, des gondoles
Filent sur les canaux. Le touriste à la course,
Un Vénitien l’attrape, Américain en tête.
Que regardent-ils tous ? L’écran creuse les paumes.
On croirait les frontons des sculptures d’ivoire.
La beauté règne et les statues partout la portent.
Une lèpre au contraire effraie les fondations.
La gène le dispute à la munificence.
Un cormoran jaillit, une sole au bon bec.
Il l’ajuste. Elle crie. Il l’engloutit, replonge.
La ville, amour, connaît ses ponts et ses ruelles.
Des paumes vertes, bleues tressaillent de caresses.
La langue et la lagune embrassent l’infini.
La lagune verra périr la langue et l’homme.
Pierre Perrin, Finis litteræ, Possibles hors-série, 2024