![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
|||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||
![]() |
Précis pour une existence
|
|||||||||||||||||||
![]() |
||||||||||||||||||||
(Pénombre forte)
es nuits se succèdent, roses, blanches. Des images se brisent,
hâchées menu. Tout bout d’impatience à l’autre
bout de la souffrance. Une parturiante allongée dans sa
chemise d’hôpital — la couverture est mentonnière
—, une crise de nerfs la désarticule. Les veines informes du fœtus hésitent
encore, rebroussent l’espérance, mais elles s’accrochent
et reprennent leur naissance. L'enfant naît. On le frappe. Il vagit.
Il refuse de boire. On l’allonge “pour la vie” dans
un berceau. Il courra le monde et se traversera soi-même. Un silence rôde aux portes de la
chambre. Tout abandonne un enfant. Qui l’aime et l’aimera
jamais ? Il a déjà compris l’iode Et le romarin, l’herbe à ses
pieds, l’aboi des chiens. Tout s’amplifie, et par-dessus
tout La mise en perce des sens et de la mort.
Cette dernière, un mot d’abord, vite se précise
et puis se démesure. C’est la place conquise sur les bancs
de l’école, les rixes dans la cour, la force par le crime Chez les grands. Toute possession est grevée
d’hypothèques, sauf à rester aveugle, à
ne rien comprendre. Surgissent les premiers rendez-vous, le
baiser, la trahison, la levée du désir quand les bois
s’épaississent. Et l’autre moque ou bien il crie. L’angoisse fore l’estomac.
La faim se meut, force naturelle. Le piège est refermé ;
l’amour, une illumination Brisée, un bois mort sur lequel
par mégarde on pose encore et encore un pied. À vingt ans, le nouveau répond* par les armes de ses obligations
de mâle. L’éventail est d’épouvante. Des sangles rentrent dans la chair. Les
épaules s’affaissent de honte. Des cibles tremblent.
Combien jouissent de la guerre ! On revient au soleil, libre. On s’enfouit,
on prend femme, on enfante, et même on traverse enfin la trop
parfaite. L’existence est bientôt plus
qu’à moitié parcourue. On croyait s’être
assagi, rendu maître de la sérénité. Quelques honneurs relancent l’appétit,
au besoin. On croit, on s’expanse ! On pose sous les flashes. Parfois encore le bonheur scintille ;
sa véracité reste insaisissable. Et la vieillesse profile les colonnes du
tombeau. Le marbre en érection, on vient le récurer
un peu mieux chaque automne. On voit la place exacte du cercueil. On
y coule sa pensée. On étudie la dévoration des
vers, le dernier poème à fleur de peau. La solitude, ce négatif impénitent
de l’existence entière, prend enfin toute la place. Il
faut céder. Les lustres tanguent. L’espoir recule.
La nuit point, incertaine. La mort avance, plus légère
que de la neige. Tout incroyablement sourit. Le glas est gloire. L’absence
a recouvré sa place d'éternité. (Lumières) * Poème
écrit et publié en 1988 |
||||||||||||||||||||
Haut de page | ![]() |
|||||||||||||||||||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |