Pierre Perrin, Debout les morts
[Titre initial : Un crime d’État]
Des jours de pleine terre, Al Manar, 2022
À l’adresse des curieux, la version d’origine 1998La gerbe et
le salut commémorent non la paix, la victoire.
L’orgueil
toujours prévaut sur la mort. Les braves encore
Dociles, qui
tremblent sous les bannières, furent la chair
À boucherie.
L’horreur était à jamais tue. L’exemple aussi
Tuait le doute
soudain pire qu’un déluge de feu ennemi.
Guillaume
ne parle en rien de tailler en pièces la piétaille.
Lou, du quart
de cavalerie, Madeleine à sa suite tonnaient
Joyeusement
sur les tranchées. Au réveil pourtant, la boue
Partout ;
des boyaux, sortaient des rats à l’arme blanche,
Qui tenaient
mal debout, qu’on poussait à l’assaut des gaz.
Et tous, terrés
puis jetés sous la mitraille, abandonnés les
Fiancée
ou femme, enfants, la maison, les moissons, fous
De voir tant
de broyés, amputés vifs, brûlés aux bronches,
Pour rien
mais pour toujours immolés par le fait du prince,
Juraient encore
: plus jamais ça. La gerbe ne désarme rien.
Pierre
Perrin, 11 novembre
1998
L’orgueil toujours prévaut sur la mort. Les braves encore
Dociles, qui tremblent sous les bannières, furent la chair
À boucherie. L’horreur était à jamais tue. L’exemple aussi
Tuait le doute soudain pire qu’un déluge de feu ennemi.
Guillaume ne parle en rien de tailler en pièces la piétaille.
Lou, du quart de cavalerie, Madeleine à sa suite tonnaient
Joyeusement sur les tranchées. Au réveil pourtant, la boue
Partout ; des boyaux, sortaient des rats à l’arme blanche,
Qui tenaient mal debout, qu’on poussait à l’assaut des gaz.
Et tous, terrés puis jetés sous la mitraille, abandonnés les
Fiancée ou femme, enfants, la maison, les moissons, fous
De voir tant de broyés, amputés vifs, brûlés aux bronches,
Pour rien mais pour toujours immolés par le fait du prince,
Juraient encore : plus jamais ça. La gerbe ne désarme rien.
Pierre Perrin, 11 novembre 1998
À l’adresse des curieux, une version intermédiaire en versetPour commémorer l’armistice de la grande guerre, la gerbe avise la victoire. La bravache prime.
Pour quoi tremblent les bannières ? Un assaut manqué, et la hiérarchie tuait le doute. Un peloton d’exécution parachevait le feu allemand.
Guillaume Apollinaire n’évoque pas les camarades taillés en pièces. Plus fort qu’un quart de cavalerie*, le sein de Lou éclaire la tranchée d’un trait de plume.
Au réveil, la boue partout ; des boyaux, sortaient des rats casqués, titubant, qu’on poussait, à l’arme blanche, à l’assaut des gaz.
Tous terrés, jetés et rejetés sous la mitraille, arrachés la fiancée, la femme, les enfants, la maison, les moissons, fous de voir tant de broyés, amputés vifs, brûlés aux bronches, pour jamais immolés par le fait du prince, les survivants juraient encore au monument : plus jamais ça !
[11 novembre 1998]
Pour quoi tremblent les bannières ? Un assaut manqué, et la hiérarchie tuait le doute. Un peloton d’exécution parachevait le feu allemand.
Guillaume Apollinaire n’évoque pas les camarades taillés en pièces. Plus fort qu’un quart de cavalerie*, le sein de Lou éclaire la tranchée d’un trait de plume.
Au réveil, la boue partout ; des boyaux, sortaient des rats casqués, titubant, qu’on poussait, à l’arme blanche, à l’assaut des gaz.
Tous terrés, jetés et rejetés sous la mitraille, arrachés la fiancée, la femme, les enfants, la maison, les moissons, fous de voir tant de broyés, amputés vifs, brûlés aux bronches, pour jamais immolés par le fait du prince, les survivants juraient encore au monument : plus jamais ça !
[11 novembre 1998]
Le grand nombre adore la voix des armes.
Pour l’armistice de la Grande Guerre, la gerbe couronne
La victoire. La bravache prime. Les bannières tremblent.
Un assaut manqué, la hiérarchie assassinait le doute.
Un peloton d’exécution parachevait le feu allemand.
Guillaume tait la boucherie. Plus qu’un quart de cavalerie*,
Le sein de Lou suffit au lieutenant pour rayer la tranchée
D’un trait de plume. La boue partout ; des boyaux,
Sortent des rats casqués, titubant. On pousse le cœur
Au ventre, à l’arme blanche, à l’assaut des gaz.
Tous terrés, jetés et rejetés sous la mitraille, arrachés la
Fiancée, la femme, les enfants, la maison, les moissons,
Fous de voir tant de broyés, amputés vifs, brûlés aux
Bronches, pour jamais immolés par le fait du prince –
Les survivants jurent encore devant le monument :
Plus jamais ça !
[11 novembre 1998]
Des jours de pleine terre, Al Manar, 2022
Le poème chanté par Henri Francesci [13 novembre 2024 :
- Des jours de pleine terre, Al Manar, octobre 2022, le recueil, les lectures, etc.
La présentation du volume chez l’éditeur
- Une page récapitulative des principaux retours, articles, dossiers et signatures
- Une note de lecture par Gwen Garnier-Duguy, in Littérature(s), Juillet 2024
- Un article par Paloma Hidalgo dans Esprit, mai 2024
- La lecture du dossier Pierre Perrin dans Poésie/première n° 86 par Jeanne Orient
- Réalisé par Isabelle Lévesque, un entretien pour Terre à ciel, juillet 2023
- Cinq retours de Jean-Pierre Georges, Emmanuel Godo, Fabienne Schmitt, Jacqueline Saint-Jean et Raymond Perrin
- Un dossier [article et entretien], dans la revue Livr’arbitres n° 41, mars 2023
- Un article d’Olivier Stroh, sur sa page Lettres, 26 mars 2023
- Les hautes terres de Pierre Perrin, par André Ughetto [12 mars 2023]
- Un article par Alain Roussel sur le site En attendant Nadeau, 8 mars 2023
- Une étude d’Emmanuelle Caminade, pour L’Or des livres, le 26 févier 2023
- Article de Ridha Bourkhis dans La Presse de Tunisie, le 23 février 2023
- Poème Hommage à René Char lu par Pierre Perrin [vidéo 1,31 mn]
- Courriel de Philippe Colmant, 7 février 2023 et courrier de J. M. Sourdillon
- Article de Daniel Guénette sur son blog québecois le 31 janvier 2023
- Courriel de René de Ceccatty, lettre de Michel Leuba et article d’Alain Nouvel sur RAP
- Jeanne Orient, texte et présentation vidéo de 6 mn 10, 19 janvier 2023
- ‘L’atelier’ lu par Marilyne Bertoncini [vidéo de 1 mn 50]
- ‘Force de l’ignorance’ lu par Catherine Humbert [vidéo de 2 mn 23]
- Jacques Morin, article pour revue Décharge, 27 décembre 2022
- Marie-Thérèse Peyrin, Le Livre des visages, 5 décembre 2022
- Retours de Virginie Megglé, d’Émile Eymard, Danièle Corre, Milouine, Marie Desvignes et Jean-Claude Martin, nov-déc. 2022
- Un choix de six poèmes par Georges Guillain, le 13 nov. 2022
- Une lecture de Georges Guillain, le 10 novembre 2022
- Une lecture de Didier Pobel, le 5 novembre 2022
- Une lecture de Gérard Mottet, le 31 octobre 2022
- Une lecture de Philippe Leuckx, le 30 octobre 2022
- Pierre Perrin, Envoi pour Des jours de pleine terre
- P. P. Éloge de la poésie [et comment je suis venu à elle]
* « Tes seins rempliraient un quart de cavalerie », Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou [L’attente, poème 27]
2. La photo est de Jean-Claude Salet, parmi les vingt-quatre publiées dans Pleine Marge, le premier recueil paru en 1972.
3. Un document : Lettre du caporal Henry Floch à sa femme Lucie, le 4 décembre 1914. « Ma bien chère Lucie,
Quand cette lettre te parviendra, je serai mort fusillé.
Voilà pourquoi : le 27 novembre vers 5 heures du soir, après un violent bombardement de deux heures, dans une tranchée de première ligne, et alors que nous finissions la soupe, des Allemands se sont amenés dans la tranchée, m’ont fait prisonnier avec deux autres camarades. J’ai profité d’un moment de bousculade pour m’échapper des mains des allemands. J’ai suivi mes camarades, et ensuite, j’ai été accusé d’abandon de poste en présence de l’ennemi.
Nous sommes passés vingt-quatre hier soir au Conseil de Guerre. Six ont été condamnés à mort dont moi. Je ne me sens pas plus coupable que les autres, mais il faut un exemple.
Mon portefeuille te parviendra et ce qu’il y a dedans. Je te fais mes derniers adieux à la hâte, les larmes aux yeux, l’âme en peine. Je te demande à genoux humblement pardon pour toute la peine que je vais te causer et l’embarras dans lequel je vais te mettre.
Ma petite Lucie, encore une fois pardon.
Je vais me confesser à l’instant, et espère te revoir dans un monde meilleur.
Je meurs innocent du crime d’abandon de poste qui m’est reproché. Si au lieu de m’échapper des Allemands, j’étais resté prisonnier, j’aurais encore la vie sauve. C’est la fatalité.
Ma dernière pensée à toi jusqu’au bout. » Henry Floch.
[Fusillé le 4 décembre 1914, le caporal Henry Floch et cinq soldats ont été réhabilités par la Cour de Cassation le 29 janvier 1921 — Lettre reprise de la revue Florilège n° 169, p. 36, déc. 2017]
4. Vingt-trois ans durant, ce poème a porté le titre : Un crime d’état. N’était-ce pas faire du révisionnisme ? De quel droit juger nos ancêtres ? La guerre est d’abord une défaite de la diplomatie. Elle reste le moyen d’imposer une puissance que nombre de Grands légitiment sans coup férir, quelles que soient les valeurs qu’ils prétendent servir. [Note du 11 novembre 2021]