Pierre Perrin, Criée de la conscience
Ce fut l’espace d’un désir. Une saison ruisselait d’oiseaux. Des fleurs lançaient des chants à la cime des arbres. On eût dit un verger sous l’arc des regards, et des moissons partout, comme des feux de lune, éclataient sur la terre. La neige avait pourri à fond d’échec, avait pourri jusqu’à l’échec lui-même. L’homme se tenait droit. Tout lui devenait une éloquence de cristal. La vie sonnait, très haut, limpide comme peu de rires.
Claquent des rocs en avalanches, l’espoir à des poings blancs, torrent de glace sur le jour. Claque la mort. Et son sourire, c’est la nuit. On se cogne à la fureur.
Un vent très sec, gonflé de crépuscule et d’argent cinéraire, accable la patrie, sans état, ni armée, ni printemps. Aucun troupeau sur les montagnes, et les falaises engrangent des tombeaux. Dans les gorges, qui rampent jusqu’au nord et leurs ramilles jusqu’au sud, pas un oiseau ne passe autrement que fauché, tourné comme une éteule aux grives. Et sur les phares, aucun humain, pas plus qu’aux plaines de l’été. Marche solitaire, midi de mort à la criée de la conscience.
Poème de Pierre Perrin, Pleine Marge [1972] repris dans Manque à vivre, recueil de 1985, épuisé