Pierre Perrin : Le Jeannot, un poème Des jours de pleine terre (1998)

Pierre Perrin, Le Jeannot

Il a tué sa femme à petit feu, l’a dépouillée de tous ses biens. La maison, qu’elle avait sauvée (à peine enterrée, son odeur partout), il est revenu l’habiter. C’était le maître, en voleur matois, la réplique pire qu’un bâton, un fusil chargé sous le manteau.

Il vient de crever. Toute la ville est sur sa tombe, le maire en tête, les commères à genoux.

Au lit, c’était le Vésuve. Pompéi ! Pompéi ! Pas une rigole qui ne courût vers ce beau désastre. Et les cocus de se congratuler, forçant ailleurs la soue.

Il a profité d’à peu près tout. Pendant la guerre, il renseignait la Gestapo, la Résistance. Il servait les meilleures barriques, vendait du juif à la chandelle, à prix d’or. Ses terres grimpaient dans les coteaux que des terroristes lui devaient.

Les yeux fermés, c’était pour les vivants.

Ils sont tous là, les souvenirs en berne, au rendez-vous. Par tout le canton terreux, aucun homme n’a mieux réussi.

Aux muscles seuls vont les hourras. Ce monde est à vomir, et encore ça l’engraisse.

inédit, Des Jours de pleine terre, [ordinuscrit des années 2000]


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