Pierre Perrin : À perte de monde, un sonnet paru dans le Nouveau Recueil [2002]

Pierre Perrin À perte de monde


Le tremblement du doigt sur l’échancrure d’un corsage,
Quel homme le cherche encore, quand les yeux fermés
Ne jettent plus personne à genoux (devant aucun départ,
Aucune retenue de fruits rouges à la volée sur des lèvres).
 
Ils se ruent tous à la table du monde à crier, et ils jouent
De la fourchette et du couteau atomiques. Leur Danaïde
S’emplit. Ils ne se voient crever que de nouvelles outres.
Si l’un se donne c’est encore, à travers l’autre, soi-même
 
Qu’il comble. Pour le conquérant, l’amour, c’est le rapt.
La charité, ce miroir sans tain que ne ternit pas l’éternité,
Même les contes de l’enfance à nu la comptent pour rien.
 
Cinquante états font la mort impunément, que les autres
Couvrent. Le fumier fleurit de toutes ses dents. Le sacré,
Pour confondre un crime, a besoin de l’âme des vivants.

Pierre Perrin, Le Nouveau Recueil [2002], Des jours de pleine terre


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