Pierre Perrin : Portrait de René Char [1907-1988] in Des jours de pleine terre, Al Manar, 2022

Pierre Perrin, Gisant debout
Portrait de René Char

[La souris ici pour les curieux du travail, la version antérieure, en versets]
Il est plus grand que son corps d’homme sous la terre.
Lié à la souffrance et au partage, au trèfle en feu des lèvres traversées, il écarta le rêve pour l’action et le pain qui sort du four.
S’il fut l’obscur, ce fut avec éclat. Pythie peut-être ! mais d’abord un paysan du cosmos, dont l’unique abandon fut à la fermeté.
La canicule l’abreuvait. Si le bâton l’égarait quelquefois, la plénitude signifiait sa générosité.
Le lire, c’est l’aimer ; l’aimer, c’est le relire non plus en aveugle ni à genoux, mais pour le grain de son poème.
Comme il est peu d’armistice sans nudité totale, il n’est pas de vie dans le mensonge – et le gisant peut se dresser.
Des matinaux le voient tel le rouge-gorge par la fenêtre.


Pierre Perrin, La Vie crépusculaire, prix Kowalski de la ville de Lyon, Cheyne, 1996

« L’éternité n’est guère moins longue que la vie. »
René Char, Feuillets d’Hypnos, 1946





Il est plus grand que son corps d’homme sous la terre.
Lié à la souffrance et au partage, au trèfle en feu des lèvres
Traversées, il écarta le rêve pour l’action et le pain
Qui sort du four. S’il fut l’obscur, ce fut avec éclat.

Pythie, peut-être, mais d’abord un paysan du cosmos,
Dont l’unique abandon fut à la fermeté. Amour secrète,
La canicule l’abreuvait. Si le bâton l’égarait quelquefois,
La plénitude signifiait sa générosité. Le lire, c’est l’aimer ;

L’aimer, c’est le relire non plus en aveugle ni à genoux,
Mais pour le grain de son poème. Comme il est
Peu d’armistice sans nudité totale, il n’est pas de vie
Qui vaille dans le mensonge – et le gisant peut se dresser.

Des matinaux le voient, tel le rouge-gorge à la fenêtre.

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