Pierre Perrin : À l'échelle de la terre, in Manque à vivre, repris dans Cent poèmes contre la misère pour l’Abbé Pierre, 1988

Pierre Perrin, À l’échelle de la terre
[choisi par J. P. KLée pour l’Abbé Pierre]

Il aura vécu de peu dans un monde repu
En restant impuissant à chambouler son ordre.
Sa voix est trop sourde pour être entendue.
Roué de coups parfois, crevé sous les lampions,
Ulcéré de ne pouvoir se révéler un frère décisif
Pour des serfs — ses frères — de la faim ;
Abhorrant la pitié, le mensonge courtois,
Exécrant les tours d’ivoire, tous refuges dorés,
Ses passions mêmes lui auront été pauvre recours.

Maintenant, près de mourir, il s’ouvre dépecé.
Il ahane sous des ricanements fantasques.
Il avoue l’échec et le mal de Terre.
Ce qu’il échafaude, peu l’acceptent, le multiplient.
La distance s’amplifie du nanti bagué comme un chapon
À celui qui doit presque chercher une protection près de la mort.
Ce monde tourne court, chaote
Et lui, pauvre poète, plus court encore.
Son orbite s’allonge ? Infirme solitaire, il meurt.

Il persiste à quémander
La résolution de la famine,
L’application mondiale de la charte des droits de l’homme.

Pierre Perrin, Manque à vivre, [1985, épuisé]
repris dans Cent poèmes contre la misère pour l’Abbé Pierre, Cherche Midi, 1988


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